Notre partenaire, Boubacar Ouedraogo nous a dernièrement écrit au sujet de la situation dramatique que vivent les Burkinabés actuellement.
Voici son courrier :
"Lecture sur la situation socio-économique et politique de mon pays
L’insurrection populaire de 2014 qui a conduit à la chute du régime de Blaise COMPAORE avait suscité de grands espoirs de changements dans la gouvernance. En effet, l’ex régime qui a eu une longévité de 2
7 ans (1987 à 2014) était taxé de corrompu, affairiste. La gestion clanique, familial du pouvoir était perceptible. Ce qui a conduit à la promotion de l’incompétence par des nominations arbitraires aux différentes sphères de la gouvernance politique, économique, judiciaire …
Aux crimes politiques, économiques, à la gestion patrimoniale du pouvoir s’ajoutent les crimes humains, les assassinats et la misère grandissante de la population. C’est ce cocktail de faits qui a exaspéré et indigné le peuple burkinabè et a eu raison de la chute du régime de Blaise COMPAORE en 2014.
Mais la montagne a accouché d’une SOURIS
Les élections d’après insurrection ont conduit au pouvoir les ex partisans de l’ancien régime (ils se sont enrichis avec l’ex régime, ont quitté le navire avant qu’il ne coule et ont utilisé les mêmes stratégies électorales fondées sur l’achat de conscience pour gagner les élections en 2015.). Ces nouveaux, anciens dirigeants ne pouvaient pas faire mieux que leurs maîtres à penser parce que issus de cette école et formatés dans une idiologie politique fondée sur trois axes : un amour effréné pour l’argent, le mépris des droits de l’homme et la volonté de confisquer le pouvoir au peuple.
Au fil de la trajectoire de la gouvernance, le peu de confiance que certaines personnes avaient placé en eux s’est effrité. Le mépris des travailleurs et plus précisément des fonctionnaires de l’état (ce qui a conduit à de multiples grèves dans tous les secteurs, la rupture du dialogue social), l’accroissement de la corruption, la misère larvée de la population et in fine la crise sécuritaire sont autant de problèmes dont les solutions sont quasiment imperceptibles dans leur mode de gouvernance.
La crise sécuritaire, parlons-en
Je reviens du village il y a moins de 10 jours (je précise que je suis ressortissant du Nord du Burkina Faso avec pour capitale régionale OUAHIGOUYA). Mon village est à 18 km de OUAHIGOUYA. Je voudrais vous faire l’économie de ce que j’ai vu parce que cela est inacceptable pour toute CONSCIENCE HUMAINE. L’humanité a perdu son sens, sa dignité, sa raison d’être. Quand on vit dans les grandes villes du Burkina, la tendance générale est à minimiser l’ampleur de la crise et cela est favorisé par le politique. La situation est grave. Il faut l’avouer, le Burkina est en guerre et le politique devrait prendre toute la mesure de la réalité pour appeler le peuple entier à la mobilisation générale au risque du chaos qui se profile à l’horizon.
En plus de la crise sécuritaire, existe par ricochet une crise humanitaire doublée d’une crise alimentaire. En effet, la pluviométrie a été assez capricieuse, mal répartie dans le temps et dans l’espace. Or notre agriculture est fortement dépendante de la pluie (très peu de culture de contre saison en raison de l’insuffisance de retenues d’eau, de barrages) et par conséquent, les récoltes sont maigres. En plus de cela, des agriculteurs ont vu pour certains, leurs champs détruits par les terroristes et d’autres ont été contraints de quitter leurs villages avant la période de la récolte. Ces fous de Dieux emportent bétail et autres biens de la population terrorisée. Les greniers sont vidés ou brûlés.
Pour ce qui concerne la situation de l’éducation, puisque je suis du domaine, je dois avouer que les politiques ne prennent pas la vraie mesure de l’ampleur, de la gravité de la situation sécuritaire, tous les efforts consentis par les uns et les autres vont s’effacer comme la rosée au lever du soleil. Pour preuve, plus de 400 écoles ont fermé et des dizaines d’autres détruites par les terroristes entre le mois de septembre à novembre si nous fions aux chiffres officiels. Mais la réalité est plus dramatique que cela. Quand les terroristes désorganisent l’ordre social en détruisant l’éducation, ils touchent la matrice même de l’Etat. Sans école, pas de connaissances, pas de valeurs, pas d’espérance et c’est ce que nous vivons actuellement au grand dam du politique.
Les dernières attaques qui ont meurtri notre nation avec un bilan provisoire de 57 personnes tuées dont 53 gendarmes ont fini par mettre le doigt sur la mal gouvernance politique et militaire du pays. Offusqué dans son ensemble, le peuple veut un changement radical dans la gouvernance. Si une partie du peuple demande la démission du Président pour incompétence notoire, une autre partie estime que le chaos peut naitre de cette démission même si elle comprend l’exaspération des uns et des autres.
Le Président lors de son adresse à la nation dit avoir pris toute la mesure des attentes du peuple et promet de travailler à répondre à ces aspirations. Nous attendons de voir et je suis de ceux qui attendent les actions du nouveau gouvernement (le premier ministre a rendu sa démission ce mercredi 7 décembre) sur le terrain pour apprécier leur engagement tant ils nous ont déçus.
Nous devons travailler à l’avènement d’un monde ou la vanité laisse la place à un humanisme désintéressé. Je pense que par le partage, par le dialogue, la bienveillance, nous pouvons d’une manière ou une autre susciter l’espoir, le sourire à des personnes désespérées, complètement égarées par la faute de l’homme. C’est ce à quoi nous nous évertuons dans les structures associatives et dans notre profession d’éducateur. Mais il faut l’avouer, il nous faut des dirigeants épris des droits de l’homme, qui ne font pas des amalgames. Il nous faut des dirigeants qui placent l’homme au-dessus de tout calcul politique."
BOUBACAR
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